L.I-F.01 - La Cigale et la Fourmi : Esope, La cigale et les fourmis.
Le canevas de départ pouvait être fourni au poète à la fois par l'apologue original d'Esope et par la version qu'en propose Aphtonius, qui figurent l'une et l'autre, avec leur traduction latine, dans le recueil de Nevelet.(M.Fumaroli La Fontaine Fables)
Pendant l'hiver, leur blé étant humide, les fourmis le faisaient sécher. La cigale,
mourant de faim leur demandait de la nourriture.. Les fourmis lui répondirent :
- Pourquoi en été n'amassais-tu pas de quoi manger ?
- Je n'étais pas inactive , dit celle-ci. mais je chantais mélodieusement. Les
fourmis se mirent à rire.
- Eh bien si en été tu chantais, maintenant que c'est l'hiver, danse !
Cette fable montre qu'il ne faut pas être négligent en quoi que ce soit, si l'on veut éviter les chagrins et les dangers.(Esope)
L.I-F.02 - Le Corbeau et le Renard : Esope, Le corbeau et le renard (Phèdre L.I-F.13 )
La traduction latine de la fable d'Esope avait été donnée par Névelet (1610). Le corbeau tenait un morceau de viande dans son bec, La phrase finale dit "Cette fable s'applique aux imbéciles".
La fable latine de Phèdre avait été traduite par Sacy éd. 1647.
Le corbeau tenait un fromage. Ceux qui se plaisent aux éloges trompeurs en sont punis
honteusement par un repentir tardif.. Un corbeau, ayant pris un fromage sur une fenêtre
se posa, pour le manger, au haut d'un arbre. Un renard l'aperçut et lui dit:
- Quel n'est pas l'éclat de ton plumage, ô Corbeau ! Quelle grâce est répandue sur ta
personne et ton visage ! Si tu avais de la voix, nul oiseau te serait supérieur.
L'autre sot, voulant montrer sa voix, lâcha le fromage. Leste, le rusé renard
s'en saisit de ses dents avides. Alors le corbeau dupé gémit de sa stupidité.
Ceci montre combien l'intelligence a de valeur. Toujours, même sur le courage, prévaut la sagesse. (Phèdre)
L.I-F.03 - La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf : Phèdre, La grenouille qui éclate et le boeuf, L.I-F. 24.
Pour le dialogue, Horace, Satires,IL.I-F.2, vers 314-320.
L.I-F.04 - Les deux mulets : Phèdre, Les mulets et les voleurs, IL.I-F.7.
Deux mulets chargés chacun d'un pesant fardeau
marchaient ensemble dans un même chemin. L'un portait des sacs d'argent, l'autre
d'orge. [...] Celui donc qui avait été volé déplorant son malheur, l'autre lui
dit :
- Certes je me réjouis du mépris qu'on a fait de moi, puisque je n'ai rien perdu, et que
je n'ai pas été blessé."
L.I-F.05 - Le Loup et le Chien : Phèdre, Le chien et le loup, IIL.I-F.7.
Le Chien et le Loup.- Combien la liberté
est douce, c'est ce que je vais dire en peu de mots. Un chien bien nourri se
trouva par hasard sur le chemin d'un loup d'une maigreur extrême. Ils se saluent
et s'arrêtent.
- D'où te vient, dis-moi, ce poil brillant ?
- Que manges-tu pour avoir un tel embonpoint ? Moi qui suis bien plus fort que toi, je
meurs de faim.
Le chien, franchement, répond :
- Cette condition t'appartient si tu peux rendre au maître les mêmes services que moi.
- Lesquels ? dit l'autre.
- Garder la porte, défendre, même la nuit, la maison contre les voleurs.Eh bien,
je suis prêt. Maintenant j'ai à supporter la neige, les pluies violentes ; dans les
forêts je traîne une vie rude. Combien il me serait plus facile de vivre sous un toit et
sans rien faire, de me rassasier largement
- Alors, viens avec moi.
Chemin faisant, le loup voit le cou du chien que la chaîne avait pelé.
- D'où vient cela, ami?
- Ce n'est rien.
- Mais encore, dis !
- Comme on me trouve un peu vif, on m'attache de jour, pour que je dorme le
matin et que je veille, la nuit venue. Vers le soir on me délie et je puis errer
où bon il e semble. Sans que je demande, on m'apporte du pain ; le maître me
donne des os de sa table ; ses gens me jettent des morceaux et du ragoût quand
personne n'en veut plus.. Ainsi sans rien faire, je remplis mon ventre.
- Bien, mais si tu veux t'en aller quelque part, le peux-tu ?
- Pas tout à fait.
- Alors, jouis de ce sort si vanté, Ô chien. Je ne voudrais pas d'un royaume, s'il doit
m'en coûter la liberté. La Génisse la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion:
Le lion, l'âne et le renard (Esope) La vache, la chèvre, la brebis et le lion:(Phèdre
L.I-F.5)
En voici le début dans lequel est exprimée la moralité.L'alliance avec un plus puissant n'est jamais fermement assurée. Cette fable prouve cette maxime.
L.I-F.07 - La Besace : Avianus, La guenon et Jupiter , Phèdre, Les vices des hommes, IV, 10.
Jupiter nous a chargés de deux besaces. Celle qui est pleine de nos propres défauts, il l'a mise derrière notre dos. Il a suspendu devant nous celle qui est lourde des vices d'autrui. Voilà pourquoi nous ne saurions voir nos défauts; mais à la première faute des autres, comme nous les censurons !! (Phèdre: Les vices des hommes)
L.I-F.08 - L'hirondelle et les petits oiseaux : Esope, L'hirondelle et les oiseaux, Haudent, De l'héronde et des autres oiseaux, L.I-F. 127.
Pour produire le lin issu de la semence
du lin, la terre nourrit la semence. Mais l'hirondelle éveille les craintes
de oiseaux. Cette semence, dit-elle, nous menace de mille maux.
- Déterrez ces graines répandues pour notre perte.
La troupe repousse ces sages conseils: elle dénonce ces vaines terreurs. La semence sort
de terre, les tiges verdoient. De nouveau l'hirondelle avertit que le danger menace; de
nouveau les oiseaux en rient. L'hirondelle fait sa paix avec l'homme; elle habite avec
lui; elle le flatte de son doux chant, car les coups prévus frappent d'ordinaire moins
rudement. Déjà le lin se moissonne; déjà se font les filets; déjà l'homme prend au
piège les oiseaux; déjà conscients de leur faute, les oiseaux s'accusent. Mépriser un
conseil salutaire, c'est en suivre un pernicieux; quiconque néglige sa sûreté tombe au
piège avec juste raison.
L'hirondelle et les oiseaux. Lorsque le gui vint à pousser, une hirondelle sentit le danger qui menaçait la gent ailée. Aussi rassembla-t-elle tous les oiseaux pour leur conseiller avant tout de couper le gui sur les chênes où il poussait, ou du moins, s'ils ne le pouvaient, de se réfugier auprès des hommes afin de les supplier de ne pas employer à les prendre la glue qu'ils tireraient du gui. Mais les oiseaux se moquèrent d'elle: elle parlait pour ne rien dire. L'hirondelle se rendit donc elle-même en suppliante auprès des hommes qui lui firent bon accueil en raison de son intelligence et la laissèrent même partager leur demeure. Voilà pourquoi les hommes font la chasse aux autres oiseaux et s'en nourrissent, tandis que la seule hirondelle, en vertu de l'asile accordée, niche sans crainte jusque dans leur maison.
La fable montre qu'avec la prévoyance, on évite sans doute tous les dangers (Esope).
L.I-F.09 - Le Rat de ville et le Rat des champs : La Fontaine n'a pu s'inspirer d'Esope pour cette fable puisque les deux versions existantes n'étaient pas publiées à son époque.
Le rat des champs et le rat de ville d'Esope n'était connu au XVIIème qu'à travers Aphthonius ou l'anonyme de Nevelet et par son interprétation par Horace ( Satires, IL.I-F.6)
L.I-F.10 - Le loup et l'agneau : Phèdre, Le loup et l'agneau, L.I-F. 1; Esope, Le loup et l'agneau.
Au même ruisseau étaient venus le loup
et l'agneau, pressés par la soif. Le loup se tenait en-dessus et l'agneau beaucoup
plus bas. Alors, poussé par son insatiable voracité, le brigand prit un prétexte
pour lui chercher querelle.
- Pourquoi, dit-il, as-tu troublé l'eau pendant que je buvais ?
L'agneau tremblant, lui répondit:
- Comment pourrais-je, dis-moi, faire ce dont tu te plains, ô loup ? C'est de
toi que descend vers mes lèvres l'eau que je bois.
L'autre, vaincu par la force de la vérité:
- Il y a six mois, dit-il, tu as médit de moi.
L'agneau reprit:
- Moi ? Je n'étais pas né !
- Eh bien, c'est ton père, dit le loup, qui a médit de moi.
Et là-dessus, il le saisit, le déchire, lui inflige une mort injuste.
Cette fable est écrite contre ceux qui, sous des prétextes inventés, accablent des innocents. (Phèdre)
L.I-F.11 - L'homme et son image : Il n'est pas impossible que la première partie de ce récit soit inspirée de l'apologue 96 de l'italien Baldi, sans qu'on puisse dire d'ailleurs comment La Fontaine en aurait eu connaissance.
La Fontaine semble avoir créé cette allégorie à partir du mythe de Narcisse (Ovide, Métamorphoses, III). Ici, son Narcisse se croit le plus beau du monde (c'est notre complaisance envers nous-mêmes) mais il trouve son image laide dans les miroirs, c'est pourquoi il les fuit (nous refusons de nous reconnaître) Le "canal", c'est le livre des Maximes.
Voici ce qu'en dit La Harpe dans son éloge de La Fontaine
:
"Quoi de plus ingénieusement imaginé pour louer un livre d'une moralité
piquante, qui plaît à ceux même qu'il censure, que de le comparer au cristal
d'une eau transparente, où l'homme vain qui craint tous les miroirs parce qu'il
n'en a jamais trouvé d'assez flatteur, aperçoit malgré lui ces traits dont il
veut en vain s'éloigner, et vers laquelle il revient toujours ? Peut-on louer
avec plus d'esprit ?"
L.I-F.12 - Le dragon à plusieurs têtes et le dragon à plusieurs queues : Ce récit se trouve attribué à Gengis-Khan, dans Les paroles remarquables des orientaux; de Galand. Mais on ne sait pas comment il a pu venir à la connaissance de La Fontaine, l'ouvrage de Galand n'ayant paru qu'en 1694.
La source de cette fable a été trouvée par Jacqueline Plantié ("Revue d'histoire littéraire de la France," Juillet-Août 1984) dans un recueil de Louis Garon, paru en 1628. L'apologue était destiné à montrer la désunion des princes chrétiens ( une bête avec beaucoup de têtes et de queues, qui ne parvenait pas à traverser une haie parce que les têtes cherchaient chacune un trou à part, et de ce fait était bloquée) et la puissance des Turcs, unis (une bête à une seule tête et plusieurs queues qui passait partout lorsque l'animal fourrait sa tête par un trou ). " Le voisinage de la fable "Les Voleurs et l'Ane", outre le fait que la fable est contée par un Turc à un Allemand, invite à la rapporter aux conflits d'Europe centrale.[...] D'autre part, [...] La Fontaine sait que le roi va être en conflit avec la Triple Alliance (Hollande, Angleterre, Suède), peut-être avec l'Empereur.(La Fontaine , fables, éd. de G. Couton, Garnier)
L.I-F.13 - Les voleurs et l'Ane : Haudent, D'un mulet et de deux visiteurs.
L'apologue d'Esope "Le lion, l'ours
et le renard" figurait dans "Esope" de Gryphe, (Lyon 1536)
Après des versions françaises du XVIème, qui avaient remplacé les animaux par des
humains, d'autres versions françaises, écrites au XVIIème auraient servi de source à
La Fontaine.
La fable est peut-être issue de la situation politique internationale dans les Balkans à
cette époque.
La sagesse de cette fable rejoint celle de "l'huître et les plaideurs"
(M.Fumaroli, Fables éd. la Pochothèque)
L.I-F.14 - Simonide préservé par les Dieux : Phèdre, Simonide préservé par les Dieux, IV, 23.
Ce récit est fidèlement imité par La Fontaine.
L.I-F.15 - La mort et le malheureux : Montaigne, essais.
L.I-F.16 - La mort et le bûcheron : Esope, Le vieillard et la mort; Haudent, D'un autre homme appelant la mort, IL.I-F. 16.
Un jour, un vieillard portant du bois qu'il
avait coupé, faisait une longue route. Succombant à la fatigue, il déposa quelque
part son fardeau, et il appelait la mort. La mort arriva et lui demanda pourquoi
il l'appelait. Alors le vieillard épouvanté lui dit:
- Pour que tu soulèves mon fardeau.
Cette fable montre que tout homme aime la vie, même s'il est malheureux et pauvre. (Esope)
L.I-F.17 - L'homme entre deux âges et ses deux maîtresses : Esope, L'homme grisonnant et ses maîtresses; Phèdre, L'homme devenu chauve sans s'y attendre, IL.I-F. 2.
L.I-F.18 - Le renard et la cigogne : Esope, Le renard et la grue; Phèdre, Le renard et la cigogne L.I-F. 26.
L.I-F.19 - L'enfant et le maître d'école : Esope, L'enfant au bain.
Un enfant qui se baignait un jour dans
un fleuve était en danger de se noyer. Apercevant un passant, il lui demandait
à grands cris de l'aide. L'autre de gronder l'enfant et de l'appeler imprudent;
mais celui-ci:
- Pour le moment, dit-il, je te prie de me porter secours; plus tard, quand tu m'auras
sauvé, tu me gronderas.
Appliquons cette fable à ceux qui fournissent à autrui l'occasion de leur nuire.(Esope)
L.I-F.20 - Le coq et la perle : Phèdre, Le poulet et la perle, IIL.I-F. 12.
La source de la première partie est Phèdre (IIL.I-F. 12). Le second sizain est de La Fontaine seul, presque symétrique au premier (sauf pour les rimes des vers 4 et 5); "Cette symétrie générale, rehaussée par cette discrète modulation produit un amusant effet d'écho" (J.P.Collinet, oeuvres complètes, la Pléiade)
L.I-F.21 - Les frelons et les mouches à miel : Phèdre, Les abeilles et les bourdons avec la guêpe pour juge, IIL.I-F. 13.
L.I-F.22 - Le chêne et le roseau : Esope, Le roseau et l'olivier; Avianus, Le chêne et le roseau.
Le roseau et l'olivier se querellaient au sujet de leur résistance, de leur force et de la tranquillité de leur vie. Comme l'olivier invectivait le roseau, lui reprochant d'être faible et de céder facilement à tous les vents, celui-ci resta sans mot dire. Il n'attendit pas longtemps. Un vent violent ayant soufflé, le roseau qui était secoué et ployait sous la tempête, se tira d'affaire facilement. L'olivier, au contraire, qui s'était raidi contre le vent, fut brisé brutalement. Cette fable signifie que ceux qui ne résistent pas aux circonstances et aux puissants sont dans une condition meilleure que ceux qui entrent en lutte contre les forts. (Esope)